Neil Gaiman
495 pages
Résumé (4ème de couverture) :
Londres, un soir comme tant d’autres. Richard Mayhew découvre une jeune fille gisant sur le trottoir, l’épaule ensanglantée. Qui le supplie de ne pas l’emmener à l’hôpital… et disparaît dès le lendemain.
Pour Richard, tout dérape alors : sa fiancée le quitte, on ne le connaît plus au bureau, certains, même, ne le voient plus… Le monde à l’envers, en quelque sorte. Car il semblerait que Londres ait un envers, la « ville d’En Bas », cité souterraine où vit un peuple d’une autre époque, invisible aux yeux du commun des mortels. Un peuple organisé, hiérarchisé, et à la tête duquel les rats jouent un rôle prépondérant.
Plus rien ne le retenant « là-haut », Richard rejoint les profondeurs…
Incipits :
« Pendant la soirée qui précéda son départ pour Londres, Richard Mayhew ne s’amusa guère. »
« C’était le milieu du seizième siècle, et il pleuvait sur la Toscane : une méchante pluie froide qui peignait le monde en gris. » (il y a 2 prologues à ce livre, la 1ère phrase du 2ème prologue est, à mon sens, plus représentative du style de l’auteur)
Ce qui se murmure autour du livre :
- En page 47 et 321, l’auteur fait référence au livre Mansfield Park de Jane Austen.
- Avant d’être un roman, Neverwhere était une série télé créée par Neil Gaiman
Mon avis :
Avec Neverwhere, j’aborde un genre que je connais peu : le Fantastique. Cependant, ce roman est à mi-chemin entre Fantastique et Fantasy Urbaine. Les bases de l’intrigue prennent corps dans notre monde réel et le personnage principal, Richard, est, tout le long du livre, dépassé par ce qui lui arrive. Voilà pour le Fantastique. Cependant, le monde souterrain (le Londres d’En Bas), imprégné de surnaturel, est un univers totalement recréé avec ses lieux, ses créatures, ses codes, ses langages… En cela, il correspond plutôt à la catégorisation de Fantasy Urbaine. Je n’aurais pas la prétention de choisir, c’est pourquoi je le classerais en Fantastique et en Fantasy.
J’ai pris la décision d’intégrer ce livre à ma PAL car j’avais lu beaucoup de critiques positives sur les écrits de Neil Gaiman et j’ai eu envie de m’y essayer. Je ne regrette pas la découverte de cet auteur.
Dès les premières pages, on perçoit une plume aiguisée, qui tombe juste et coule avec la fraicheur et la vitalité d’un torrent. Le vocabulaire est toujours précis et extrêmement bien choisi. Pour ne rien gâcher, un humour fin, délicat et subtil saupoudre de nombreuses phrases. Je me suis surprise à sourire de manière régulière, alors que l’intrigue, dès le départ, est plutôt sombre et inquiétante. Les premières lignes m’ont immédiatement captivée et, dès la deuxième page, je ne voulais plus lâcher mon livre.
Extrait (page 107) : « Autour d’eux, des gens se glissaient et se coulaient dans l’obscurité, brandissant lampes, torches (de bois et électriques) et chandelles. Cela rappelait à Richard les bancs de poissons qu’il avait vus dans des documentaires, miroitant et filant à travers l’océan… Des abysses peuplés de créatures qui avaient perdu l’usage de leurs yeux. Et on pouvait dire que, dans ce nouvel environnement, il n’avait plus pied. »
L’ensemble regorge d’action qui survient au fil des pages, avec peu de temps pour reprendre son souffle entre deux aventures. Les pages se tournent à toute vitesse. Neil Gaiman sait nous plonger dans l’univers qu’il crée, il le fait avec efficacité et beaucoup d’éléments aident réellement le lecteur à s’imprégner de ce monde pour le moins irrationnel, puisque tout y est possible : des stations de métro fantômes, des pièces immenses là où il ne devrait rien y avoir, des créatures aux pouvoirs étranges, des rats dotés de conscience et d’intelligence, des ponts qui prennent une taxe de passage sous forme de vie humaine, etc…
Les personnages sont très nombreux dans cet ouvrage. Le protagoniste principal est Richard, issu du Londres d’en haut, et qui se retrouve catapulté contre son gré dans le Londres d’En Bas. L’auteur parvient de manière magistrale à retranscrire les émotions ressenties par Richard. Emotions très plausibles et très bien dosées : la peur et l’incrédulité sont les sentiments principaux qui émanent de Richard dans la première moitié du récit. Viennent ensuite la résignation et l’acceptation. Richard parvient tout de même à vivre quelques émotions positives : quelques tranches de rires, l’éclosion d’amitiés, la découverte de lieux saisissants…
Quand bien même Richard est la figure centrale du roman, celui par lequel nous suivons l’essentiel du récit, l’auteur nous permet régulièrement de changer de point de vue en partageant une tranche de vie d’autres personnages, ce qui nous permet d’apprendre à les connaître chacun à leur tour.
Tous les personnages sont hauts en couleurs, tous particulièrement bien « dessinés », avec un tempérament bien différencié. L’acolyte principal de Richard est une jeune femme du nom de Porte, née et élevée dans le Londres d’En Bas. Elle possède un puissant pouvoir : celui de pouvoir ouvrir tout ce qui est fermé (principalement les portes, mais aussi les boîtes par exemple). Le Marquis de Carabas, protecteur du duo, est un personnage fourbe, mesquin et égoïste, mais prêt à tout pour s’acquitter de sa dette envers Porte. Car dans ce monde, pas d’argent, tout fonctionne par troc, et l’on peut échanger des objets ou des services, et si l’on a rien à proposer en échange, on s’engage d’une dette morale. Le trio se paiera les services d’un garde du corps, puissante et magnifique guerrière du nom de Chasseur.
Tout au long de leur périple à la recherche du commanditaire de l’assassinat de la famille de Porte, le quatuor rencontrera de nombreux autres protagonistes, tous très caricaturaux : le Comte et sa Cour qui occupent une rame de métro invisible de l’extérieur, les rats et les Parle-aux-Rats, les Velours (femmes « veuves noires »), les Sept Sœurs, le Peuple des Egouts…
Et bien sûr, il y a les ennemis farouches. Le duo improbable, fascinant et effrayant : M. Croup et M. Vandemar. Le premier est d’une intelligence remarquable, utilise un vocabulaire recherché et très soutenu, il fait de longues phrases incisives et tranchantes. Le second est une brute épaisse qui mange les animaux vivants, au vocabulaire et à la compréhension limités. Les deux, dotés de pouvoirs qui font d’eux d’impitoyables chasseurs, forment un duo détonnant que j’ai adoré.
Extrait (p. 196), Monsieur Croup s’adresse au Marquis de Carabas : « Messire marquis, je crois pouvoir affirmer avec aplomb, sans risque qu’aucune partie ici présente ne porte la contradiction, que vous avez égaré la quantité de raisons dont vous étiez investi. Si vous voulez bien excuser la trivialité de l’expression, vous avez complètement perdu la tête. »
Pour revenir sur l’univers, je dois signaler que c’est un point qui m’a assez déplu. En effet, vers le premier tiers du roman, je constate tout de même que l’ensemble du livre s’oriente vers une atmosphère sombre et assez glauque, qui peut parfois même être dérangeante. J’ai eu l’impression de me retrouver par moments dans La Promesse des Ténèbres de Maxime Chattam. Il faut reconnaître que l’intrigue est assez similaire : chez Chattam, un homme rencontre une jeune femme à qui il vient en aide, et suite à ça, sa vie bascule et le plonge dans les sous-sols de New York, au milieu d’une population et d’un monde insoupçonné, dans un univers glauque, malsain et dérangeant. Chez Gaiman, les seules différences à ce mini synopsis sont celles du lieu (Londres) et de l’ajout du surnaturel (pouvoirs…). Mais l’on retrouve les mêmes autres éléments (monde souterrain étrange, glauque et malsain, aide à une jeune fille inconnue, vie qui bascule…).
J’avais beaucoup aimé La Promesse des Ténèbres, mais j’avais été vraiment dérangée par l’univers. Mon opinion est très similaire pour Neverwhere : un très bon roman, dont l’univers me bloque.
L’immersion dans ce monde du dessous nous amène aussi à entreprendre une réflexion sur le regard et le jugement que l’on porte aux SDF, aux marginaux. L’auteur nous ouvre les portes d’un monde sur lequel nous fermons souvent les yeux, et nous permet de l’aborder et de (peut-être) mieux le comprendre. Je peux vous assurer que, au moins durant le temps de votre lecture, vous aurez un regard différent pour les SDF.
Petite déception somme toute, la fin du roman est sans surprise. Je n’ai pas été prise au dépourvu par un grand rebondissement, les événements coulent de source et n’apporte pas de réelle découverte. Je m’attendais à ce traitement de l’histoire depuis plusieurs chapitres déjà.
Mon bilan :
Un excellent livre, très bien écrit, sans défaut majeur. Une bonne intrigue bien menée quoi que sans grande surprise. Cependant, il faut aimer les univers sombres et glauques, ce qui n’est pas mon cas (je le saurais désormais pour mes futures lectures). Je suis contente d’avoir abordé un auteur qui me plait bien, et que je tenterais de mieux connaître à travers d’autres de ces romans.
Retrouvez dans mon Glossaire (onglet sous le titre du blog) les définitions des mots spécifiques à l'univers de la chronique littéraire (comme par exemple : fantastique, PAL...).
4 commentaires:
Je crois que ce livre est fait pour moi ^^ lol
J'ai déjà lu "l'étrange vie de Nobody Owens" et j'avais beaucoup aimé !
Arf, il est dans ma Wihslist depuis assez longtemps... je crois que ton article va me faire craquer et le basculer dans ma PAL à la première occasion !
Je n'ai pas lu le promesse de Chattam, je ne pourrais par contre pas "comparer".
Merci pour ce bel article. biz, nanet
Je dois dire que moi aussi j'ai bien envie de me lancer dans la lecture de Neil Gaiman, et ton avis va me faire craquer je pense. ^^
J'avais beaucoup aimé ce livre lu en juillet en VO. J'ai bien aimé l'univers du dessous, justement. Et l'humour de Richard.
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